mercredi 21 janvier 2015

Religion et interprétation

Oui, j'aime bien faire mes articles en deux temps, ça permet de mûrir certaines idées.
(et puis j'ai eu des retours sur le dernier, alors ça m'y a aidée!)

On m'a dit qu'à partir du moment où l'islam pousse à de tels massacres, c'est bien lui qui est en cause.

Que « Quand les Chrétiens lancent les Croisades au nom de Dieu et massacrent la population de Jerusalem », c'est la chrétienté qui est en cause.


Alors je précise ma pensée -quitte à me répéter. 

Selon moi, « Quand les Chrétiens lancent les Croisades au nom de Dieu et massacrent la population de Jerusalem », c’est effectivement bien une partie de la chrétienté qui est en cause, mais non le christianisme.

Il y a une large différence entre l’idéologie de base et la manière dont certains hommes s’en servent.

Dans l’Histoire du Christianisme, il me semble qu’il a été très souvent brandi comme faire-valoir dès qu’il s’agissait d’asseoir l’autorité des Grands. En France, la monarchie se justifiait en tant qu’elle plaçait au pouvoir les élus de Dieu, alors évidemment, beaucoup de scientifiques ont été tués au nom de Dieu, pour que le roi puisse conserver sa prétendue légitimité souveraine. Parce que se rendre compte que la Terre était ronde, bah oui, ça remettait en cause toute cette histoire de Terre en bas, de ciel en haut. Se rendre compte que la Terre tourne autour du Soleil, ça montrait qu'elle n'était peut être pas tellement le centre de l'univers, finalement. Et avec la cosmologie chrétienne, c'est la question de la légitimité des pouvoirs conférés qui se pose transitivement. 
La St Barthélémy n’est pas autre chose : il s’agissait pour les dirigeants de maintenir leur suprématie et d'évincer les huguenots un peu trop proches du pouvoir. 

Il me semble important de distinguer la religion en tant que guide spirituel et la religion employée pour satisfaire des intérêts personnels qui lui sont étrangers (pouvoir, conquête, ...)

Je crois que dans le premier cas, elle est pacifique et apaisante. C’est d’ailleurs sa fonction première : c’est la peur de la mort et du néant qui a poussé les hommes à s’inventer un au-delà réconfortant, une mission transcendante. C’est le besoin de trouver des réponses à ce qu’ils ne parvenaient pas à comprendre qui est à l’origine de la genèse des mythes et des légendes. Il fallait trouver des raisons, des voies. La religion apporte tout ça.

Dans le deuxième cas, évidemment, elle n’avait fonction que de justification pour perpétrer des crimes, rien de bon ne peut advenir alors. Bien entendu, nombre d’innocents ont été massacrés au nom de Dieu - quelle que soit la religion dont les criminels se réclament - mais ce qui est en cause là n’est pas la religion, mais bien la manière dont certains hommes l’utilisent.

Bien sûr, les détracteurs peuvent trouver leur bonheur dans les Saintes Ecritures.

Le Coran n’a pas été écrit par une seule et même personne et, de ce fait, manifeste de nombreuses contradictions - il en est de même pour la Bible.
A certains moments le Prophète appelle à imposer l’islam par la force, à d’autres à respecter la foi de chacun et vivre dans la miséricorde et la tolérance.
Le Dieu chrétien ne se montre pas toujours plus clément, en particulier dans l'Ancien Testament. Mais même Jésus, cet être de bonté suprême, ne chasse-t-il pas les marchands juifs du temple avec un fouet? 

Dans la religion islamique tant que dans la religion chrétienne, tout est question d’interprétation. Ceux qui veulent l’employer à des fins terroristes y trouvent évidemment un moyen de l’arborer comme ils l’entendent. 
Mais n’oublions pas ceux qui veulent y trouver un guide pour mener la vie selon des préceptes de tolérance, de respect, et d’altruisme. Ils y parviennent tout aussi bien, et ils sont autrement plus nombreux.

dimanche 18 janvier 2015

Islam et terrorisme

J'ai vu sur mon fil d'actualité facebook un de mes contacts s'insurger dans son statut contre le fait que beaucoup faisaient l'amalgame entre les musulmans et les terroristes, alors que personne ne le faisait entre les chrétiens et le Klu Klux Klan.
A quoi cela est-il dû? Parce qu'il me semble que cette organisation prône la suprématie de la race blanche, et non le christianisme. C'est une organisation qui ne sévit qu'aux Etats Unis, menant des actions terroristes (menaces, attentats, meurtres), et qui compte aujourd'hui un nombre très limité d'adhérents. De fait, c'est plus un ensemble de petits groupuscules séparés qui ne sont plus vraiment liés entre eux.
Du coup, même si l'organisation a été fondée par des protestants, ce n'est pas une idéologie théologique qu'elle véhicule.

Par contre, entre islam et terrorisme, le rapprochement est rapidement fait, puisque plusieurs organisations terroristes se réclament de l'islamisme: Al-Qaïda, le Djihad islamique,..
De là, une première précision - naïve mais importante- à apporter: le rapprochement entre islam et terrorisme islamiste peut être rapidement fait.

Alors, que dire de ce rapprochement? je crois que c'est bien mal connaître le Coran que de le faire. Et là, c'est aussi vrai pour les citoyens islamophobes de nos pays occidentaux que pour les terroristes islamistes.
En revendiquant leur foi absolue et l'arborant fièrement comme un étendard sanglant, ce sont bien eux qui font le plus de mal en ce Dieu qu'ils prétendent défendre.
Or, au-delà du fait qu'ils donnent ainsi du grain à moudre à tous ceux qui, par ailleurs, veulent faire cet amalgame, il me semble qu'il s'agit là d'une très mauvaise interprétation -hypocrite et prétentieuse- du Coran.

Pourquoi hypocrite? Parce qu'au fond, chacun sait que ces actes sont, par essence, condamnés par le Coran. Pour ne citer que les commandements transgressés les plus connus -et les plus évidents:
* L'interdiction de porter le chaos
* L'interdiction de tuer des innocents
* L'interdiction de se suicider

Pourquoi prétentieuse? Parce qu'ils croient interpréter la volonté de Dieu et se réclament d'elle pour perpétrer leurs crimes. C'est là une interprétation très libre du Coran, et qui porte en elle sa propre contradiction. Si l'Homme n'est pas digne de représenter Dieu, et si donc la représentation de Dieu est un acte "infidèle", répréhensible, criminel, en quoi serait-il davantage digne d'interpréter sa volonté et de punir en son nom?

Alors il me semble que loin d'avoir un quelconque rapport avec la religion musulmane, le terrorisme ne représente qu'une interprétation dévoyée du Coran. La religion musulmane prône le pacifisme et la tolérance - ce dont le terrorisme islamiste est manifestement très éloigné.

Pour moi, la religion véhicule des idéologies positives et - tout en étant personnellement athée - je comprends son utilité aux yeux de nombreux croyants. Parce qu'il me semble que l'inquiétude de se savoir seul pour mener sa vie peut inquiéter, et que certains trouvent en Dieu une présence constante rassurante. Ou parce que j'imagine que beaucoup ont besoin d'un guide spirituel pour les aider à se diriger dans leur vie. Ou encore parce que je comprends que d'autres aient besoin de rêver d'un au-delà qui leur apportera une vie meilleure que celle qu'ils endurent sur Terre.
Oui, je comprends tout à fait, et je suis heureuse que certains trouvent en la religion une source d'épanouissement. Les seules objections que je pourrais trouver à cela -mais que je n'approfondirai pas dans cet article, ce n'est pas mon propos - sont:
* Si l'Homme a besoin d'un guide spirituel pour lui insuffler une morale et le mener vers le Bien, est-ce à dire que l'Homme ne serait pas naturellement bon?
* En apportant une "consolation" à ceux qui souffrent ici, la religion n'est-elle pas inhibitrice de la volonté d'agir pour le changement?

Mais reprenons. Où commence-t-elle à poser problème? Il me semble que c'est lorsqu'elle commence à être externalisée puis instrumentalisée. Elle est, de toutes façons, toujours instrumentalisée, mais lorsqu'elle agit en interne pour guider, rassurer, consoler, elle a une action qui me paraît tout à fait positive. Par contre, lorsqu'elle est externalisée, c'est-à-dire lorsque le but n'est plus d'agir sur soi mais sur les autres, et utilisée pour permettre une action, là oui, elle pose problème.
La religion est un ensemble d'idées, de croyances, qui doivent se déployer en soi et aider à appréhender le monde avec plus de sérénité. Les religions apportent aux croyants des explications sur les phénomènes a priori incompréhensibles, et on voit clairement que Dieu (tant dans la religion musulmane que chrétienne) est celui qui a apporté la lumière. Pour moi, c'est bien de ça dont il s'agit: le but de Dieu est d'apporter de la lumière aux croyants. Et c'est bien en interne que cela se produit.
Il est évidemment tout à fait possible -et profitable! d'en parler et d'échanger ses idées avec d'autres. Mais ça devient néfaste lorsque la religion sort de soi pour être utilisée dans un but. En l'occurrence, pour les terroristes islamistes, elle a figure de justification de leurs actes criminels.

Ainsi, implorer la pitié des terroristes islamistes au nom des commandements du Coran est un combat perdu d'avance: ce ne sont pas des musulmans, ce dont des fanatiques. Et la cause qu'ils défendent n'est pas l'Islam.

Que dire alors de ces "fidèles", qui voient des photos ou des vidéos d'assassinats terroristes sur Internet d'hommes qui se font égorgés au nom du Prophète, et qui se disent "Oh oui, ça c'est une super idée, youpi, je vais signer de ce pas!" ?
El-Ghazâli l'a bien dit: "Qui n'examine pas ne croit pas, qui ne doute pas n'examine pas."
Il me semble assez clair que la dévotion dogmatique porte en elle les germes de l'assujettissement, de la servitude, et de l'acceptation indifférenciée de toutes les interprétations les plus orientées.

samedi 10 janvier 2015

Quels enseignements tirer?

Bon, finalement je continue, quitte à procrastiner, c'est toujours un plaisir de le faire en écrivant ses idées.

Le malaise que je ressentais vis-à-vis de ma non-adhérence au mouvement charliste, je n'ose pas l'exprimer auprès de tout le monde.
Pourquoi?
Parce qu'au coeur de ce mouvement qui prône le respect absolu à la liberté d'expression règne souverainement la bienséance et son regard critique sur nos émotions. L'obligation à adhérer à la bonne conscience collective. Ce sentimentalisme qui  nous impose d'être tristes, de se mobiliser, tous ensemble, maintenant.
Et si moi je n'ai pas envie? Si je crois à la réflexion sur le long terme et non au désespoir ponctuel?
Mais non, visiblement, il est plus politiquement correct d'affirmer avec véhémence qu'il faut "saigner ces fils de pute" que de dire qu'au fond, ce n'est pas de la tristesse qu'on ressent.

Je ne ressens pas non plus de la colère, de la haine envers les terroristes de mercredi, et je n'aurais pas voulu qu'ils subissent une mort lente et douloureuse -contrairement à tout ce que j'ai pu voir crié sur la toile.
Oui ce sont des tueurs, mais je ne les juge pas responsables. Pour moi, même si je peux me tromper, ce sont des hommes qui ont grandi dans une France où ils ne se sentaient pas intégrés, où ils n'ont pas eu les moyens réels de se cultiver.
J'entends déjà les remarques outrées:
"Ils ne se sont pas intégrés? Mais ils n'ont pas à être intégrés, ils sont Français!" Oui, ils sont Français. Ce n'est pas de cette intégration là dont je parle. Je parle de l'intégration qui fait défaut aux couches sociales les plus défavorisées. Enfants de l'émigration ou descendants de Charlemagne, lorsqu'on naît dans une famille pauvre, au milieu d'une fratrie de quinze enfants, avec des parents très peu cultivés, on part avec de grandes chances de rester en marge de la société.
"Mais tout le monde a les moyens, du moment qu'on le veut!" Oui, mais dans certains milieux, ça reste bien plus difficile que dans d'autres. En France, il y a encore des illettrés, et les avoir forcés à aller à l'école jusqu'à leurs 14 ans n'a pas suffi à l'éviter. Pas parce qu'ils étaient plus bêtes que d'autres. Juste parce qu'à 6 ans, ce n'est pas facile de trouver soi-même la motivation de travailler.

Et nous voilà, des années plus tard, grands, mais avec un vif sentiment de rejet, qui alimente bien souvent la haine. Ce sentiment d'être exclu d'une société qui est pourtant la nôtre.
Survient un homme qui nous explique que la société nous hait, qu'on doit la haïr aussi. Un homme qui nous tend la main et nous invite à venir partager sa foi en Dieu tout puissant, devant qui tous les hommes sont égaux, et qui nous aime d'un infini amour, lui.
S'ensuit un conditionnement psychologique savamment programmé, parce que les mecs qui sont à la tête des mouvements terroristes, eux, savent bien comment s'y prendre.
A ce moment là cet homme, à qui on a si bien bourré le crâne qu'il n'a plus aucune idée de qui il est vraiment -et qui était déjà en quête d'identité, puisqu'il ne savait pas où se placer vis-à-vis d'un pays dont il ne partage pas la culture - n'est plus un homme. Il n'a plus aucune conscience de ce qu'il fait. Il n'a plus du tout la notion de ce que représente une vie - la sienne même n'a plus de valeur pour lui.
Je dis que ce n'est plus un homme, parce que selon moi, ils en ont fait un animal. Il est comme un chien, dressé pour défendre son maître, et se ruer sur le morceau de viande qu'on agite devant ses yeux.

Alors selon moi, non il n'est pas responsable, tout simplement parce qu'il n'a pas conscience de ses actes. Il obéit, tout simplement. Or, Milgram a suffisamment bien prouvé où pouvait mener la soumission à une autorité supérieure pour des hommes intégrés dans une société avec des codes moraux stricts. Que penser alors d'hommes conditionnés par un gourou à mépriser le monde sensible des hommes et à n'être plus qu'un soldat de Dieu?

Non, je n'ai aucune haine envers ces hommes instrumentalisés, psychologiquement détruits, qui ont perdu pied il y a bien longtemps et dont les terroristes ont su exploiter la faiblesse.

D'où ma question, maintenant: comment éviter que tout cela se reproduise?

Je n'ai bien sûr pas de solution miracle pour supprimer le terrorisme sur Terre, mais il me semble bien que si le monde s'organisait pour que personne ne soit perdu au point d'être une cible facile à ces chefs extrêmistes, on aurait une ébauche de solution.

Ainsi, quel est le problème ici?

Le problème, c'est que nous avons des jeunes qui se sentent totalement exclus de la société.
Ils sont perdus, ils subissent une grave crise identitaire. Ils ne savent plus qui ils sont, ils n'arrivent pas à se définir eux-mêmes. Ils ont grandi sans réel lien avec la culture de leur pays, et sans culture, il est beaucoup plus difficile d'avoir une vision claire de sa situation, de réfléchir, de prendre du recul. Sans être plus bêtes que les autres, ils sont moins capables de réfléchir, de penser abstraitement.
En plus, beaucoup de discours actuels alimentent la haine, dans les deux sens. Entre d'un côté une partie de la majorité qui a peur et déteste ceux qu'ils jugent différents - haine attisée par tous les amalgames habituels. D'un autre, les exclus qui détestent ceux qui les détestent, et haïssent ce par quoi ils se sentent rejetés.

Le problème, donc, c'est qu'il y a trop de gens encore exclus, hors société et culture, quelles que soient leurs origines, et en dépit des lois de notre cher Louis-Joseph Charlier.

Et selon moi, c'est là le véritable problème. Et surtout c'est là que nous devons intervenir. C'est à ça que nous devrions penser, pour que tous ces gens -les trois tueurs compris - ne soient pas morts pour rien.

Je ne me sens pas Charlie, suis-je normale?

Je ne me sens pas Charlie, parce que je ne sais pas ce que ça veut dire.
Retour sur ces derniers jours.

Mercredi 7 janvier, je sors du boulot. J'apprends ce qu'il s'est passé, et je rentre chez moi. Mon copain est triste, mon mur Facebook est envahi de carrés noirs, de statuts, de vidéos, d'articles qui traitent tous du même sujet, qui proclament tous de la même voix, de cette voix du coeur: Je suis Charlie.
Je reçois des chaînes qu'on me demande de faire suivre au nom de la liberté d'expression, au nom des victimes.
Mon copain, la gorge serrée, les yeux battus, en fait suivre une. La France entière est en deuil, triste, unie dans une même douleur.
Et moi je vois tout ça, je n'ose rien dire, parce qu'au fond, je ne ressens rien, et j'en ai honte. Je n'ai pas du tout envie de me proclamer Charlie, je n'ai pas du tout envie d'aller marcher.
Alors je m'interroge: est-ce que je suis insensible? Enfin, je ne ressens rien, non, c'est faux. Je ressens de la compassion envers les familles des victimes pour qui la nouvelle a dû tomber comme un couperet, de la peine pour les victimes en pensant à la peur et l'incompréhension qui ont dû les saisir au moment où leur monde s'est effondré, et un profond malaise pour l'engouement qui s'opère. Je ne comprends pas mon malaise, il reste inexprimable, j'attendrai demain pour comprendre, et en attendant je me tais.

Le lendemain, on me demande de faire une minute de silence, et je m'exécute par bienséance.
Je vois des musulmans s'indigner sur les réseaux sociaux et crier au complot islamophobe. Je vois les carrés noirs proliférer, les chaînes continuer à se répandre, les journaux envahis par la même nouvelle.

Ca y est, j'ai compris ce que je ressentais, et j'ai décidé d'arrêter d'en avoir honte.

Qu'est-ce que c'est, être Charlie?
Est-ce que c'est soutenir les familles des victimes, leur faire savoir qu'on est à leurs côtés et qu'on pense à elles? Alors oui, je suis Charlie.
Est-ce que c'est être triste pour ce qui est arrivé? Alors non, je ne suis pas Charlie. Non, je ne suis pas triste. J'ai de la peine pour les hommes qui sont morts, mais je ne me sens pas plus triste pour ces victimes que pour celles qui sont mortes le même jour au Yemen, ou toutes les victimes de toutes les guerres, de tous les crimes dans l'Histoire de l'Humanité.
Est-ce que c'est être outré pour la menace à la liberté d'expression? Alors non, je ne suis pas Charlie. Parce que pour moi, la liberté d'expression n'a pas été atteinte au cours de ces événements. Ce n'est pas l'Etat qui réprime des idées, ce sont des terroristes qui n'ont pas supporté qu'on se moque de ce en quoi ils croient. Ce n'est pas de la répression, c'est une attaque menée par une bande d'illuminés.

Pour moi, la liberté et la République ne sont pas attaquées. Et pour moi, même si c'est triste -parce que c'est toujours triste quand des gens meurent - c'est aussi grave que tous massacres qui ont régulièrement lieu dans tous les pays du monde, et depuis le début de l'Histoire.

Et ensuite, pourquoi ai-je ressenti ce malaise? Au-delà de la honte que j'ai éprouvée vis-à-vis de mon insensibilité, parce que c'est quand même mal vu, de ne pas être triste, quand tout le monde l'est, il y avait un véritable scepticisme de ma part, une réelle volonté de ne pas participer à ce mouvement. Ne pas se sentir Charlie est une chose, mais ne pas vouloir suivre "au cas où" en est une autre.

En fait, cette effervescence me gêne. J'ai pris conscience même que j'étais un peu énervée après tous ces gens qui étaient si tristes.
Parce que je ne comprends pas cette émotivité si sélective.
Parce que je ne suis pas certaine que ces gens en deuil sur le moment y pensent encore dans un mois.
Parce que je crois qu'il est facile de faire une minute de silence et d'aller marcher.
Parce que je crois que les symboles nous aident à nous arranger avec notre conscience mais ne feront jamais changer les choses.
Parce que j'ai l'impression que la France d'aujourd'hui est régulièrement secouée par des chocs, qu'elle se dresse alors en un corps, pour que tout retombe comme un soufflé aussitôt la pression partie.

Oui, les symboles sont importants, mais je crois que prendre acte des événements et chercher à faire en sorte que ça ne se reproduise plus dans l'avenir l'est encore plus. Oui, être triste pour les victimes montre que nous sommes des êtres humains sensibles et unis dans l'adversité, mais ne l'être que pendant deux semaines puis oublier sans chercher à agir ensuite tend à prouver que notre petit confort nous intéresse encore plus. Et dans ce cas, encore une fois, pourquoi n'être triste que pour cette situation là? Est-ce qu'il n'y a pas des catastrophes aussi dramatiques dans le monde?
En fait, à vrai dire, je trouve cette agitation, ce deuil hypocrites. Voilà pourquoi je suis mal à l'aise.

Et à quel point ces marches, et cette phrase qui se trouve sur toutes les lèvres ont valeur unificatrice? J'ai l'impression que leurs significations sont assez confuses, diffuses, que chacun a la sienne.


J'ai encore d'autres choses à dire, mais cet article est déjà assez long, alors ça sera pour une prochaine fois.

Yeah, bisous à tous!