samedi 10 janvier 2015

Quels enseignements tirer?

Bon, finalement je continue, quitte à procrastiner, c'est toujours un plaisir de le faire en écrivant ses idées.

Le malaise que je ressentais vis-à-vis de ma non-adhérence au mouvement charliste, je n'ose pas l'exprimer auprès de tout le monde.
Pourquoi?
Parce qu'au coeur de ce mouvement qui prône le respect absolu à la liberté d'expression règne souverainement la bienséance et son regard critique sur nos émotions. L'obligation à adhérer à la bonne conscience collective. Ce sentimentalisme qui  nous impose d'être tristes, de se mobiliser, tous ensemble, maintenant.
Et si moi je n'ai pas envie? Si je crois à la réflexion sur le long terme et non au désespoir ponctuel?
Mais non, visiblement, il est plus politiquement correct d'affirmer avec véhémence qu'il faut "saigner ces fils de pute" que de dire qu'au fond, ce n'est pas de la tristesse qu'on ressent.

Je ne ressens pas non plus de la colère, de la haine envers les terroristes de mercredi, et je n'aurais pas voulu qu'ils subissent une mort lente et douloureuse -contrairement à tout ce que j'ai pu voir crié sur la toile.
Oui ce sont des tueurs, mais je ne les juge pas responsables. Pour moi, même si je peux me tromper, ce sont des hommes qui ont grandi dans une France où ils ne se sentaient pas intégrés, où ils n'ont pas eu les moyens réels de se cultiver.
J'entends déjà les remarques outrées:
"Ils ne se sont pas intégrés? Mais ils n'ont pas à être intégrés, ils sont Français!" Oui, ils sont Français. Ce n'est pas de cette intégration là dont je parle. Je parle de l'intégration qui fait défaut aux couches sociales les plus défavorisées. Enfants de l'émigration ou descendants de Charlemagne, lorsqu'on naît dans une famille pauvre, au milieu d'une fratrie de quinze enfants, avec des parents très peu cultivés, on part avec de grandes chances de rester en marge de la société.
"Mais tout le monde a les moyens, du moment qu'on le veut!" Oui, mais dans certains milieux, ça reste bien plus difficile que dans d'autres. En France, il y a encore des illettrés, et les avoir forcés à aller à l'école jusqu'à leurs 14 ans n'a pas suffi à l'éviter. Pas parce qu'ils étaient plus bêtes que d'autres. Juste parce qu'à 6 ans, ce n'est pas facile de trouver soi-même la motivation de travailler.

Et nous voilà, des années plus tard, grands, mais avec un vif sentiment de rejet, qui alimente bien souvent la haine. Ce sentiment d'être exclu d'une société qui est pourtant la nôtre.
Survient un homme qui nous explique que la société nous hait, qu'on doit la haïr aussi. Un homme qui nous tend la main et nous invite à venir partager sa foi en Dieu tout puissant, devant qui tous les hommes sont égaux, et qui nous aime d'un infini amour, lui.
S'ensuit un conditionnement psychologique savamment programmé, parce que les mecs qui sont à la tête des mouvements terroristes, eux, savent bien comment s'y prendre.
A ce moment là cet homme, à qui on a si bien bourré le crâne qu'il n'a plus aucune idée de qui il est vraiment -et qui était déjà en quête d'identité, puisqu'il ne savait pas où se placer vis-à-vis d'un pays dont il ne partage pas la culture - n'est plus un homme. Il n'a plus aucune conscience de ce qu'il fait. Il n'a plus du tout la notion de ce que représente une vie - la sienne même n'a plus de valeur pour lui.
Je dis que ce n'est plus un homme, parce que selon moi, ils en ont fait un animal. Il est comme un chien, dressé pour défendre son maître, et se ruer sur le morceau de viande qu'on agite devant ses yeux.

Alors selon moi, non il n'est pas responsable, tout simplement parce qu'il n'a pas conscience de ses actes. Il obéit, tout simplement. Or, Milgram a suffisamment bien prouvé où pouvait mener la soumission à une autorité supérieure pour des hommes intégrés dans une société avec des codes moraux stricts. Que penser alors d'hommes conditionnés par un gourou à mépriser le monde sensible des hommes et à n'être plus qu'un soldat de Dieu?

Non, je n'ai aucune haine envers ces hommes instrumentalisés, psychologiquement détruits, qui ont perdu pied il y a bien longtemps et dont les terroristes ont su exploiter la faiblesse.

D'où ma question, maintenant: comment éviter que tout cela se reproduise?

Je n'ai bien sûr pas de solution miracle pour supprimer le terrorisme sur Terre, mais il me semble bien que si le monde s'organisait pour que personne ne soit perdu au point d'être une cible facile à ces chefs extrêmistes, on aurait une ébauche de solution.

Ainsi, quel est le problème ici?

Le problème, c'est que nous avons des jeunes qui se sentent totalement exclus de la société.
Ils sont perdus, ils subissent une grave crise identitaire. Ils ne savent plus qui ils sont, ils n'arrivent pas à se définir eux-mêmes. Ils ont grandi sans réel lien avec la culture de leur pays, et sans culture, il est beaucoup plus difficile d'avoir une vision claire de sa situation, de réfléchir, de prendre du recul. Sans être plus bêtes que les autres, ils sont moins capables de réfléchir, de penser abstraitement.
En plus, beaucoup de discours actuels alimentent la haine, dans les deux sens. Entre d'un côté une partie de la majorité qui a peur et déteste ceux qu'ils jugent différents - haine attisée par tous les amalgames habituels. D'un autre, les exclus qui détestent ceux qui les détestent, et haïssent ce par quoi ils se sentent rejetés.

Le problème, donc, c'est qu'il y a trop de gens encore exclus, hors société et culture, quelles que soient leurs origines, et en dépit des lois de notre cher Louis-Joseph Charlier.

Et selon moi, c'est là le véritable problème. Et surtout c'est là que nous devons intervenir. C'est à ça que nous devrions penser, pour que tous ces gens -les trois tueurs compris - ne soient pas morts pour rien.

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